30/01/2012

Coca-Cola dans les vins de Bordeaux !

Coca-Cola dans les vins de Bordeaux !

François Jumeau, 42 ans, vient d’être nommé directeur marketing du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB)1. Après avoir été successivement assistant chef de produit de Henkel cosmétiques, puis assistant chef de produit de la lessive Le Chat Machine il a été Responsable promotions de Coca-Cola France pour l’ensemble des Pôles marketing. Bien qu’il ait aussi évolué dans la bière (Kronenbourg) puis le vin de Champagne (Moët Hennessy), on peut bien se demander ce qu’un tel pedigree indiquait pour occuper ce poste clef, avec un budget pour 2011 de 17 millions d’euros. C’est que cette nomination entre dans le droit fil de la politique initiée par le CIVB, depuis au moins la présidence de Hubert Bouteiller (propriétaire heureux du château Lanessan)qui déclarait dans les années 90 « que les vins de Bordeaux, par leur diversité, étaient trop compliqués à faire valoir ». Premier résultat observé et déclaré lors de la conférence de presse de rentrée du CIVB, l’annonce de la création d’un nouveau vin ! (il en manquait sans doute…) « Un vin léger, sans trop de tanin, sans trop d’alcool, fruité », un vin qui n’existe plus depuis plus d’un siècle, le Claret, qui sera commercialisé en 2012 sous l’appellation Bordeaux. Si ce vin dispose toujours d’un cahier de charges, il faut vraiment fouiller dans les caves de quelques rares châteaux pour retrouver la trace de ce nectar douteux. En fait, un vin générique, un vin de cépage (Merlot) censé récapituler ce qui ferait l’esprit des vins de Bordeaux. Les petits récoltants qui mettent avec obstination un soin jaloux à faire valoir leur production particulière seront ainsi ravis d’apprendre que le CIVB leur dame le pion avec cette invention bon marché (mais qui va coûter des millions pour sa mise en place et sa publicité) destinée aux palais pas trop distingués des anglo-saxons et des jeunes français non encore initiés au vin. La Cocacolaisation des vins de Bordeaux est en marche ! L’obsession du produit unique et universel qui nie les spécificités, l’identité, la diversité, la richesse d’un terroir unique au monde. Il faut donc coûte que coûte pour le CIVB « rendre l’offre plus visible pour le consommateur », c’est-à-dire en réduire la complexité, qui a pourtant un sens pour plus de 10 000 châteaux, qui ne s’appellent pas tous Yquem ou Haut-Brion. Après avoir en 2009 simplifié quelques appellations, ce qui a eu pour effet de brouiller encore plus les lignes, le CIVB, tout à ses « apéro-vintage » dans des bars « branchés » parisiens à destination de quelques bobos, enfonce les producteurs-récoltants dans une marge de plus en plus étroite. Quant à ceux qui ne veulent plus payer leurs cotisations, paraît-il obligatoires, (le CIVB est-il bien à même de lever un impôt ?)ils sont qualifiés de « groupuscule de casseurs ». La mainmise du CIVB sur les vins de Bordeaux se signale à l’infini. Pour l’heure c’est l’avenir des paysans viticulteurs à court, moyen et long terme, qui est en jeu. A ceux-ci, en difficulté croissante (plus de 1000 ha de terres agricoles disparaissent chaque année en Gironde, avec une concentration des propriétés et une diminution du nombre des producteurs), le CIVB propose gentiment des audits de gestion, en relation avec des banques qui sont pour beaucoup propriétaires de vignobles.
Si la Gironde est le pays des classements et des hiérarchies, c’est que la vigne, qui prospère dans tous les terrains, en tire des sucs bien différents, élaborant ainsi une royale gamme de vins qui étonne par sa variété presque infinie du goût, de la finesse et de la couleur. Chaque commune, et plus particulièrement chaque cru, a sa particularité bien distincte. C’est cette subtilité que le CIVB veut réduire, quand il s’agirait au contraire de la mettre en valeur, du Médoc à l’Entre-Deux-Mers, du Blayais au Sauternais. Les casseurs ne sont pas ceux que l’on croit.

Maximilien (Pour le Renouveau Français Bordeaux)



1) Le CIVB a été créé en 1948. Il réunit les représentants des trois familles de la filière bordelaise : la viticulture, le négoce et le courtage. Avec un budget 2011 de 31,1 millions d’euros, le CIVB est censé mené trois missions : économique, technique et marketing/communication.

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